Neurosciences cognitives et apprentissage: opportunités et contraintes

Dr. Olivier Jorand, privat-docent à l’université de Lausanne et formateur d’adultes FSEA nous ouvre la porte des neurosciences. En effet, les neurosciences cognitives, en tant qu’elles se trouvent à la croisée de différentes disciplines, notamment entre les sciences du cerveau et les sciences de l’apprentissage, peuvent aujourd’hui contribuer à ouvrir de nouvelles perspectives pour le monde de la formation, de la pédagogie, de l’andragogie, etc., et à éclairer les pratiques enseignantes, tout en enrichissant notre compréhension intuitive de nos vies mentales (mémoire, attention, émotions, décision, troubles, etc.), ainsi que les questions de la vie de tous les jours qui y sont relatives.

Mais quels sont les grandes questions sous-jacentes à ces nouveaux éclairages ? Voici quelques éléments pour nous guider dans la question des opportunités et des contraintes du rapprochement du monde des neurosciences cognitives et du monde de l’apprentissage et de la formation :

  1. Quelle est à vos yeux la nature des neurosciences cognitives, et que peuvent-elles offrir au monde de l’apprentissage en général ?
  2. Quelle est la nature des difficultés pour une mise en application des connaissances des neurosciences cognitives dans l’apprentissage et la formation ?
  3. Comment le transfert des connaissances des fondements du fonctionnement cérébral peut-il se faire vers les pratiques enseignantes ?
  4. Le passage périlleux : une collaboration nécessaire entre chercheurs, cogniticiens, pédagogues, enseignant-e-s, formateur-trices, ingénieurs de formation.
  5. Quels sont les piliers de l’apprentissage pour lesquels les neurosciences cognitives apportent des résultats intéressants et qui peuvent trouver des chemins applicatifs pour l’apprentissage et la formation ?
  6. Votre point de vue en quelques mots.

Quelles est à vos yeux la nature des neurosciences cognitives, et que peuvent-elles offrir au monde de l’apprentissage en général ?

Bien qu’étant au carrefour d’une multiplicité de disciplines et reposant sur des technologies de pointe, les neurosciences cognitives sont à mes yeux dans la droite ligne de l’injonction socratique « Connais-toi toi-même ». Rappelons par exemple que la mémoire est la Première fonction mentale déifiée sous les traits de MNEMOSYNE, la déesse de la mémoire qui, après quelques aventures avec Zeus, enfanta les Muses qui président aux Arts et aux Lettres. J’entendais encore il y a quelques temps le tout grand humaniste et neuroscientifique qu’est Eric Kandel, Prix Nobel il y a quelques années pour ses travaux admirables sur la mémoire, s’exprimer sur le point que les neurosciences cognitives -dont le but est de comprendre le fonctionnement de l’esprit (ce qui constitue LE défi du nouveau millénaire)- représentent fait une quête qui touche tout le monde : chacun désire comprendre d’une façon ou d’une autre, à un moment ou à un autre, comment il perçoit, comprend, apprend, décide, pourquoi et comment il retient et oublie, comment focaliser son attention, ce que sont les émotions, comment elles influencent nos décisions dites rationnelles, pourquoi il est des jours où l’on se sent motivés, comment la raison fonctionne, qu’est-ce que l’intelligence, etc.

De fait, les neurosciences cognitives représentent aujourd’hui un ensemble d’opportunités très intéressantes pour l’apprentissage et la formation au sens où il est aujourd’hui possible de créer des passerelles entre recherche et les pratiques enseignantes.  Certains pensent même : « Aujourd’hui, on peut se demander pourquoi ceux qui conçoivent la formation des enseignants n’ont pas jugé pertinent d’introduire, comme pour les futurs psychologues, des bases de neurosciences » (in Cerveau et Psycho, août-octobre 2012, Daniel Favre).

En effet, nous avons beaucoup à gagner à en connaître plus en tant qu’enseignant-e-s et formateurs-trices sur les façons dont notre cerveau permet la perception, l’attention, la motivation et la régulation des émotions par exemple. C’est en effet le cerveau et le corps qui sont utilisés pour apprendre, donc il est intéressant d’en connaître les facettes et propriétés.

Le monde de l’apprentissage et de la formation peut profiter désormais des avancées des neurosciences cognitives pour s’inspirer et développer des moyens d’améliorer les processus d’apprentissage dans le fameux long-life-learning, car les connaissances acquises ont atteint un niveau de description qui est transversal et interdisciplinaire ; cette cross-fertilisation est fascinante, mais elle n’en est pas moins confrontée à de nouveaux défis consistant à faire le passage -qui ne peut pas être direct- entre ces connaissances sur les fondements et les fonctionnements de nos cerveaux et de nos esprits (des grands principes fondationnels) et leur traduction en gestes pédagogiques (des méthodes applicatives), ou –pour le dire autrement- entre le laboratoire et la salle de classe.

Quelle est la nature des difficultés pour une mise en application des connaissances des neurosciences cognitives dans l’apprentissage et la formation ?

Il y a 10 ans, l’OCDE a publié un rapport intitulé « Comprendre le cerveau : naissance d’une science de l’apprentissage » dans lequel elle soutient que comprendre le cerveau peut indiquer de nouvelles voies pour les pratiques éducatives et de formation. Elle évoque inter alia le concept de neuroplasticité. i.e.  l’idée clairement démontrée par les neurosciences que le cerveau dispose d’une grande capacité d’adaptation aux demandes de son environnement. Des connexions neuronales sont créées ou renforcées, d’autres sont affaiblies ou éliminées, selon les besoins. L’ampleur de la modification dépend du type d’apprentissage effectué : l’apprentissage à long terme entraîne des modifications plus profondes.

Mais le rapport de l’OCDE mentionne les difficultés et les risques des « solutions simplistes »  dans l’application de ce type de connaissances sur le fonctionnement cérébral dans l’apprentissage ; il s’agit pour elle  « d’établir une relation réciproque entre pratique éducative et recherche sur l’apprentissage » afin d’éviter réductionnismes et autres dérives.

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Selon mon point de vue, le rapprochement entre neurosciences et apprentissage est extrêmement bénéfique justement au sens de cette nécessité d’une collaboration entre les chercheurs, les cogniticiens, les ingénieurs de formation, des pédagogues, des enseignant-e-s et des formateurs-trices, collaboration que nous protège de l’application brute de résultats scientifiques à la pratique. Ainsi, malgré l’enthousiasme lié à ces développements en cours et futurs, il faut souligner la nécessité d’adopter et maintenir une posture vigilante et inviter à la prudence et à la précaution. Il nous faut dès l’abord mettre en avant un caveat et mettre en évidence les difficultés liées l’exportation de ces connaissances « neuro » du labo à la salle de classe ; en effet, même pour les résultats les mieux assis, demeure la grande difficulté de les traduire en méthodes et stratégies concrètes utilisables en salle de classe.

Le risque de voir se projeter dans l’esprit des gens des attentes qui ne pourraient pas être satisfaites, et de glisser ainsi vers une grande mécompréhension des apports potentiels des neurosciences cognitives pour l’apprentissage existe ; c’est pourquoi, il convient mettre dès l’abord une emphase sur le fait que les neurosciences cognitives ne peuvent pas (ni de droit, ni de fait) avancer des méthodes prête à l’emploi, des recettes toute faites à appliquer de manière brute dans la salle de classe. Le transfert est en effet périlleux qui va du in vitro au in vivo (du laboratoire à la salle de classe) comme on dit en médecine « translationnelle » ou « traductionnelle ». Une connaissance commune de base sur les fonctions cognitives est possible, un modèle général dans un cadre générique est même plus que désirable, mais développer des méthodes qui s’en inspirent pour faire un passage vers la situation de classe est un exercice collaboratif qui implique de nombreux acteurs et mobilise de nombreuses formes d’expertises différentes : celles des chercheurs, celles des pédagogues, des andragogues, des formateurs-trices, des enseignant-e-s, des ingénieurs de l’éduction qui doivent transformer et traduire les connaissances en interventions, et les tester en classe. Il faut donc éviter toute fausse promesse ou réductionnisme simpliste.

Comment le transfert des connaissances des fondements du fonctionnement cérébral peut-il se faire vers les pratiques enseignantes ?

La recherche n’est pas l’éducation ou la formation, et en classe il n’y a pas un cerveau standardisé, mais des cerveaux qui vont très souvent dans des sens différents. Ainsi, la variabilité inter-individuelle (chaque cerveau est unique) et intra-individuelle (chaque cerveau change) plaident pour des adaptations, de la part des experts du terrain, de ces connaissances concernant le cerveau qui apprend. Afin d’être en mesure de procéder avec souplesse à ces adaptations, à ces « customisations », il est important que l’enseignant-e ou le formateur-trice puisse profiter d’un bagage de principes fondamentaux de la nature et des mécanismes des fonctions cognitives comme la mémoire, l’attention, les émotions, la décision, la résolution de problèmes, etc., ainsi que de leur dysfonctionnement via la neuropsychologie et les modélisations. Comme le disait déjà William James, le passage à la pratique est loin d’être direct et automatique ; les connaissances scientifiques permettent certes d’éclairer, de suggérer et réduire les possibilités de ce que l’on peut faire pour le domaine applicatif, mais elles ne peuvent pas être prescriptives ; au contraire, elles laissent une grande liberté pédagogique à l’enseignant-e ou au formateur-trice, dont le savoir-faire et l’expertise sont des conditions nécessaires pour les implémenter. Il n’y a donc pas de méthodes infaillibles à « copier-coller », pas de recettes « à la Betty Bossy », pas d’algorithmes définitifs et uniques pour le succès de l’apprentissage.

Les connaissances actuelles, bien loin de pouvoir fournir des réponses définitives, sont néanmoins en position de nous aider à améliorer certaines facettes de l’activité d’enseignant-e et de formateur/trice, comme c’est le cas pour celle du psychologue et du thérapeute. Bien que la médecine soit pas une science mais un art, elle repose fondamentalement sur la science : de même notre l’art de l’enseigant-e ou du formateur-trice , son savoir-faire se fondent sur les processus du cerveau et nous avons tout à gagner à tenter d’en apprendre le plus possible.

Pour l’enseignant-e- et le formateur-trice, l’exposition à un cadre intégratif (ou un modèle général sans être spécialiste) présentant et illustrant les grands principes fondationnels des fonctions cognitives permet de mieux de reconsidérer et améliorer les pratiques enseignantes en fournissant  cadre général de compréhension qui ne constitue pas un stock de recettes toute faites qui attendent une application directe et mécanique en classe, mais un cadre heuristique qui nous permet de mieux nous orienter dans la pratique.

Quels sont les piliers de l’apprentissage pour lesquels les neurosciences cognitives apportent des résultats intéressants et qui peuvent trouver des chemins applicatifs pour l’apprentissage et la formation ?

Ainsi donc ces connaissances peuvent représenter une sorte d’Eldorado avec un impact sociétal très fort (tout le monde est motivé par les questions relatives à l’amélioration de nos apprentissages), et il faut que « ces connaissances en train de se faire » (comme on dit au Collège de France), se distillent dans la pratique via une collaboration efficace entre le monde de la recherche et celui de l’apprentissage. Pour assurer l’applicabilité de la recherche et ainsi passer à l’action, les enseignant-e-s ou formateurs-trices jouent un rôle absolument indispensable en tant que facilitateurs, ou passeurs, qui fonctionnent comme des relais sur la base de leur expertise propre. C’est sur ces derniers-ères que la construction de passerelles est réalisable pour dériver à partir des principes décrits pas les neurosciences des méthodes applicables, méthodes qui ne doivent pas être conçues comme fixes, mais comme des méthodes plastiques, adaptables, customisables à cette classe, à cet apprenant, et même à cet apprenant qui change dans le temps. Ce sont ces experts de terrain qui peuvent savoir ce qui est transposable ou pas dans la classe, en fonction de chaque élève dans son processus d’évolution. Des dérives de méthodes qui se réclameraient des investigations du cerveau qui prétendraient produire des mémoires infaillibles en soi, des attentions aiguisées en soi, des émotions contrôlées en soi, des décisions toujours optimales en soi sont à proscrire.

Par ailleurs, les chercheurs ne savent pas forcément ce que les enseignant-e-s savent (Quelles sont leur source ? Se réfèrent-ils à des neuromythes ?). Tout est plus compliqué dans la salle de classe ; pour faire des adaptations, il faut comprendre. Les enseignant-e-s qui s’exposent à ces connaissances peuvent devenir eux(elles)-mêmes expérimentateur-trices dans la traduction de ces connaissances, en jonglant avec la contingence massive de ce qui se passe en classe, avec la variabilité des apprenants ; on entend parfois dire qu’il n’y a pas « l’Elève », mais DES élèves, et que l’apprentissage est un phénomène collectif;  ils/elles doivent en outre jongler avec le dilemme dont les cornes sont suivre le programme et s’intéresser aux processus d’apprentissage de leurs élèves : tout autant d’impossibilités d’appliquer des méthodes standards inadaptées à tant de particularités et d’idiosyncrasie. Chaque cerveau est unique, comme nos empreintes digitales. Pour construire des techniques qui fonctionnent sous l’éclairage des neurosciences cognitives, il faut des interactions vertueuses selon l’axe recherche-action afin de transposer les connaissances.

En conclusion provisoire, on peut dire que s’établit aujourd’hui un consensus sur le fait que l’éducation (formation, enseignement, pédagogie, andragogie) peut aujourd’hui bénéficier des avancées des neurosciences cognitives relativement aux questions touchant les apprentissages : le cerveau est un système qui traite et organise l’information, et l’on peut décliner ses processus en :

  • Sélection de l’info = ATTENTION
  • Interprétation de l’info = PERCEPTION
  • Encodage et rappel de l’info = MEMOIRES
  • Utilisation de l’info = ACTIONS SENSORI-MOTRICES
  • RAISONNEMENT sur l’info = PRISE DE DECISION

Ainsi, des expositions aux modèles contemporains des (neuro)sciences cognitives dans le cadre de formations adaptées au bon niveau de description et d’explication permettent entre autres de développer de nouvelles stratégies d’enseignement et d’évaluer des interventions pédagogiques à l’aune de ces nouvelles connaissances.

Quels sont les piliers de l’apprentissage pour lesquels les neurosciences cognitives apportent des résultats intéressants ?

Tout d’abord, nous pouvons évoquer quelques items d’une liste de plus en plus importante d’éléments investigués par les neurosciences cognitives qui touchent à des questions au cœur de l’apprentissage.  Citons par exemple, le fait que mémoire n’est pas plus un phénomène monolithique que passif et que, comme l’attention, elle se décline au pluriel dans différents systèmes dont la connaissance de la nature et des fonctionnements (et dysfonctionnements) est inspirante pour de bonnes pratiques d’apprentissage. Les techniques de la manipulation des focus attentionnels développées par les magiciens sont aussi fascinantes à étudier afin d’en tirer des applications. En classe, on peut relier certaines de ces observations à la problématique des surstimuli. En faisant trop turbiner notre cerveau et en le soumettant à l’excès et au stress, on risque le burnout. Par exemple, on peut maintenant affirmer que le multitâche est impossible si les tâches en cours nécessitent de l’attention et ne sont pas routinisées ; très clairement, on ne peut pas faire plusieurs choses à la fois, sauf si (et seulement si) les autres tâches sont automatisées. Mieux vaut tirer le signal d’alarme plutôt que d’exposer les élèves à une surcharge.

Le cerveau est capable d’apprendre parce qu’il est flexible. Il change en réaction aux stimulations de l’environnement. Cette flexibilité repose sur une de ses propriétés intrinsèques : la plasticité. Ce mécanisme opère au niveau des connexions synaptiques qui peuvent se renforcer avec l’apprentissage. La plasticité est même une condition nécessaire aux apprentissages, et demeure, en tant que propriété inhérente du cerveau, opérante tout au long de la vie. La mémorisation est le fruit de ces traces modifiées.

Le rapport de l’OCDE évoqué plus haut intitulé « Comprendre le cerveau : naissance d’une science de l’apprentissage » recense ce type de questions et de faits bien établis ainsi que les perspectives qu’ils ouvrent : les périodes critiques pour la lecture ou le sens du nombre quand commencer quoi ?  Y  a-t-il des choses intéressantes à faire (aussi du côté des parents) pour stimuler/faciliter l’apprentissage (la motivation, quels types : extrinsèques et intrinsèques = plaisir, récompense interne) ; les cycles d’attention dans la journée, le sommeil, la valeur de la répétition, la consolidation de la mémoire, les troubles de l’apprentissage (lecture, écriture, calcul, les « dys »), la neuroplasticité, les biais dans la prise de décision, les neuromythes, le long-life-learning, les périodes sensibles de l’apprentissage, le développement du cerveau au cours de la vie, langage-littératie et cerveau, etc.

La liste peut se décliner encore de multiples façons :

  • Quels sont les bases de l’attention, et comment fonctionne-t-elle ? Peut-on la réguler, la manipuler de manière bénéfique ? Pourquoi échappe-t-elle si facilement à notre contrôle et pourquoi est-il difficile de rester concentré ?
  • Comment le cerveau crée-t-il les souvenirs et l’apprentissage ? Quels sont les types de mémoires et comment fonctionnent-ils ?
  • Comment utilisons-nous les informations de l’environnement pour construire nos perceptions ? Qu’est-ce que les illusions nous apprennent du monde « réel», et pourquoi sont-elles des adaptations ?
  • Comment le cerveau fabrique-t-il les émotions ? En quoi consistent-elles et quels sont leurs rôles ?
  • Quels sont les mécanismes sous-jacents à la résolution de problèmes, à la planification ?
  • Que sait-on des bases neurobiologiques de de la motivation ?
  • Quels sont les fondements des neurosciences cognitives, leur hypothèse, leurs méthodes, leurs questions, leurs applications ?
  • Comment les événements physiques qui ont lieu dans notre cerveau donnent-ils naissance au monde de notre expérience qualitative consciente ? Qu’est-ce que la conscience finalement, et à quoi sert-elle ? Pourquoi beaucoup de nos actions sont-elles inconscientes ? Quels animaux en seraient-ils dotés ou dépourvus ? Quel est le rapport entre l’esprit et la matière ?  Nos esprits conscients sont-ils plus que le comportement de nos assemblées de cellules nerveuses et de leurs molécules associées ? Une intelligence ou une conscience artificielles sont-elles réalisables ?
  • Quelles sont les signatures neuronales des processus conscients et les processus inconscients ainsi que des apprentissages ?
  • Qu’est-ce qui guide nos préférences, nos jugements, nos décisions ? Qu’est-ce qu’une intuition et peut-on lui faire confiance ? Comment sommes-nous influencés par des biais perceptifs et cognitifs, quels sont-ils et comment orientent-ils nos comportements ?
  • En quoi convergent les traditions méditatives, les techniques médicales hypnotiques et les neurosciences affectives ? Quelles sont les questions et applications actuelles et futures ?
  • Que sait-on des bases neuronales de la métacognition, de l’auto-évaluation ? Pourquoi un élève décroche-t-il ? Comment entrainer ses fonctions exécutives.

Les éléments de cette liste non-exhaustive sont regroupés depuis peu par certains groupes de recherche sous l’expression des « piliers de l’apprentissage » qui sont bien documentés aujourd’hui et sur lesquels peuvent se développer des stratégies et méthodes pratiques : A) plasticité cérébrale et recyclage neuronal (notre cerveau est structuré dès la naissance, mais il est une formidable machine –statistique- à apprendre; mécanismes d’ouverture et de fermeture des périodes critiques ; les périodes critiques peuvent être modulées ; l’enrichissement de l’environnement augmente les capacités d’apprentissage et la peur les réduit). B) L’attention et le contrôle exécutif (niveau de vigilance, orientation de l’attention, le contrôle attentionnel et l’inhibition des comportements indésirables, les limites des attentions). C) L’engagement actif, la curiosité, et la correction des erreurs (plus la curiosité est grande, plus l’apprentissage est facilité ; ne pas confondre l’erreur en tant que signal correctif et sanction ; maximiser l’engagement actif et la curiosité). D) La consolidation des apprentissages et l’importance du sommeil. E) La mémoire et son optimisation.

Votre point de vue en quelques mots

Selon moi en résumé, les perspectives croisées entre ces connaissances des sciences du cerveau celles de l’apprentissage nous permettent de mieux comprendre comment nous fonctionnons et comment nous apprenons, et ouvrent des avenues fantastiques où peuvent se développer des méthodes et des stratégies d’apprentissage fondées sur cette collaboration interdisciplinaire et crossfertilisante.

William James (1899), s’adressant à des enseignants, rappelle qu’ils commettent une erreur s’ils pensent que la psychologie en tant que science de l’esprit permet de concevoir directement et sans adaptations des programmes et des méthodes d’apprentissage pour un usage immédiat dans la classe. De façon analogue aujourd’hui, on peut dire que l’application des connaissances des neuroscience cognitives dans la pratique se fait par un travail collaboratif, sur un terrain interdisciplinaire riche qui offre des opportunités de s’attaquer selon différents angles et de façon coordonnée à la fois à des problèmes d’ordre philosophique, scientifique et éducationnel, et ce, pour améliorer nos apprentissages. « On se lasse de tout, sauf d’apprendre » disait Virgile.

Propos recueillis par Coralie Schaffter