Jean-Pierre Vicario, formateur, photographe et membre de l’Arfor depuis 2011

Quand vous le croisez au détour d’une salle de cours, c’est sûr, vous voyez en lui l’homme de transmission. Mais regardez-bien, ses outils de travail favoris –  son appareil photo et son objectif 35 – ne sont  sûrement pas loin. En plus d’être formateur d’adultes,  Jean-Pierre Vicario est aussi une pointure de la photo.

Donner sa chance aux autres, il en fait un principe de vie. D’abord par son engagement à l’EVAM (Etablissement Vaudois d’Accueil des Migrants) où il travaille depuis 18 ans. Sa principale mission: tout savoir sur les procédures d’asile en Suisse et le transmettre aux nouveaux collaborateurs et à des partenaires de l’institution, comme la Police ou le CHUV.

Donner sa chance aux autres, comme certains l’ont aussi fait pour lui. Par la confiance qu’ils lui ont accordée. Car il l’affirme, plus encore que l’expérience, les rencontres ont façonné son parcours professionnel et l’ont amené à emprunter des chemins inattendus.

Tout jeune, il choisit d’apprendre la maçonnerie – il voulait construire des maisons – avant de bifurquer vers la sécurité. «C’est grâce à mon chien! J’enseignais alors l’éducation canine dans un club cynophile et un ami m’a embauché comme maître-chien pour assurer la sécurité sur des manifestations de grande ampleur.» C’est aussi par une rencontre qu’il découvre le monde des demandeurs d’asile.

La photo en entreprise

Restée à l’arrière-plan pendant de nombreuses années, sa passion pour la photographie trouve brusquement sa place dans la carrière de Jean-Pierre Vicario lorsqu’il y a dix ans, il décide d’en faire une activité à part entière, sa seconde casquette: celle de photographe indépendant. Aujourd’hui, il enseigne la photographie à des jeunes ou moins jeunes passionnés et il organise des stages avec d’autres photographes, de renommée mondiale. «J’utilise ce média en entreprise pour aider les collaborateurs à mieux se connaître, à développer une vision commune, parfois à l’occasion de «journées au vert» récréatives.»

Son approche de la photo dépasse la seule recherche de l’esthétisme: il privilégie le sens. «J’aime l’idée de photographier à propos d’un sujet, plutôt que simplement saisir le sujet, aussi beau soit-il. La photo doit servir un but.» D’où son choix de privilégier le reportage et le portrait, deux disciplines qu’il utilise pour raconter des histoires ou témoigner.

Témoigner par l’image

Car si le portrait lui permet d’aller à la rencontre de l’autre, notamment en voyage, il sert avant tout son engagement. «Lorsque je photographie des demandeurs d’asile ou des réfugiés, j’essaie de les regarder autrement que comme des migrants, tels qu’on nous les montre partout dans la presse. C’est important de leur offrir de la dignité.»

Et puis au fil de ces années passées dans la même entreprise, il se prend à vouloir renouer avec le terrain. En avril dernier, il décide alors de partir sur l’île grecque de Chios et offre deux semaines de son temps aux migrants coincés dans le camp de Souda. «J’avais plusieurs objectifs. D’abord, accueillir les réfugiés et documenter le travail des volontaires qui s’engagent pour prendre en charge le travail que les Etats rechignent à faire. Mais j’ai aussi proposé de réaliser et de donner des portraits aux réfugiés du camp. Des objectifs à la fois ambitieux et motivants.»

Depuis son retour, il organise des expositions-conférences. Un moyen de décrire une réalité de la migration souvent cachée ou détournée, explique-t-il. Une nouvelle expérience qu’il souhaite pousser plus loin. Il est encore à la recherche de lieux ou d’entreprises intéressées et compte prochainement repartir sur le terrain.

Alors bien sûr, quand un participant à l’une de ses formations l’informe avoir gagné tel ou tel concours ou osé exposer ses images en suivant ses enseignements, c’est toujours une grande satisfaction. Mais ce qui le touche le plus, ce sont ces gendarmes qu’il a formés et qui commencent à changer de regard sur les demandeurs d’asile. Un de ses plus grands espoirs pour l’avenir.

Un autre regard sur la migration: vous pouvez vous aussi y contribuer.

L’exposition-conférence créée et animée par Jean-Pierre Vicario peut s’installer près de chez vous. Un moyen de découvrir une autre réalité de la migration que celle présentée par les médias.

1987: Apprentissage de maçon
1990: Gérance d’un café
1993: Reconversion dans la sécurité
1999: Responsable de la sécurité d’un centre d’hébergement à la Fareas (Fondation vaudoise pour l’accueil des requérants d’asile), puis différentes fonctions au service informatique
2002: Responsable du support informatique à la Fareas
2009: Formateur à l’EVAM (spécialiste des procédures d’asile en Suisse  et programmes informatiques internes) et formateur-photographe  indépendant
2010: Brevet de formateur d’adultes

Propos recueillis par Isabelle Inzerilli